Si les tours de la Marina – rebaptisées « The Wilco Towers » depuis Yankee Hotel Foxtrot – resteront à jamais arrondies, l’americana de Wilco a aujourd’hui tendance à devenir aussi abrupte que les flancs du Michigan. Et si nous sommes toujours à quelques encablures de Chicago, les regards ne sont cette fois plus tournés vers la concentration de gratte-ciels, mais bel et bien vers un horizon beaucoup plus linéaire et monochrome. Spacieux et plus sobre, en tout cas dépouillé de tout artifice pouvant venir rompre la matière. C’est avec cette idée en tête qu’il faut aborder Ode To Joy. Le onzième album de Wilco est avant tout un bloc qui se laisse infiltrer à mesure que l’on retourne y travailler sa craie.

L’effort pourrait parfois se révéler décourageant, tant l’on aimerait – au détour de quelques coups de pioche – être récompensé par quelques évidences (et elles se comptent par dizaines de Being There jusqu’à Sky Blue Sky) auxquelles Wilco nous aura habitué durant plus de 20 ans. Sauf qu’ici, c’est à celui qui se cache (Everyone Hides) derrière un totem minimaliste, déjà brandi sur Schmilco et plus encore sur les deux albums que Jeff Tweedy a sorti coup sur coup durant ces derniers mois (Warm et Warmer). Sur Ode To Joy, la guitare de Tweedy est rêche, parfois esseulée lorsqu’elle n’est pas soutenue par une orchestration feutrée et peinturlurée par quelques touches noisy (Bright Leaves). Sa voix se veut plus lasse, souvent marquée : « Sometimes i’m just a hole for you to get in ». Quant au travail de Nels Cline – génial un peu partout, mais surtout sur Quiet Amplifier, We Were Lucky ou encore Love is Everywhere (Beware) – celui-ci vient davantage montrer que l’excellence d’Ode To Joy se dissimule surtout dans ses détails et ses tentations atmosphériques. À nous d’être attentifs.
Car techniquement, et depuis Yankee Hotel Foxtrot, la maîtrise et la cohérence de Wilco n’auront jamais été aussi totales que sur Ode To Joy. Dans ce registre, Tweedy et sa bande sont au sommet de leur art. Même lorsqu’elles s’offrent de manière plus directe, les mélodies – toujours aussi flamboyantes (Everyone Hides, Love Is Everywhere, Hold Me Anyway, Empty Corner) – font l’objet d’un soin tout particulier. Tout le monde est à sa place, dans son registre. Au piano, à la guitare, à la batterie… Discrètement, chacun apporte sa petite touche et remplit son propre espace. Tout est millimétré, sans faire d’Ode To Joy une œuvre froide et désincarnée. Bien au contraire. Ce serait ne pas connaître ce dont Wilco a toujours été capable. D’autant que dans le texte et sur le plan personnel, Jeff Tweedy ne semble s’être jamais montré aussi généreux qu’aujourd’hui.
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Tracklist
1. Bright Leaves
2. Before Us
3. One and a Half Stars
4. Quiet Amplifier
5. Everyone Hides
6. White Wooden Cross
7. Citizens
8. We Were Lucky
9. Love is Everywhere (Beware)
10. Hold Me Anyway
11. Empty Corner