Un album au sommet, qui avance sur la ligne de crête entre réalisme et optimisme.
Comment aborder un problème universel, parler d’un monde au bord d’une catastrophe environnementale sans précédent, de cette ‘terreur frémissante’ comme la nomme Tamara Lindeman sur le cinquième album de The Weather Station titré Ignorance ?
Ignorance qui n’est d’ailleurs pas le problème, c’est le fait de croire que l’on a la connaissance qui l’est, déclarait à ce propos la native de Toronto dans une récente interview. Sortant des sentiers battus de la folk où on l’avait sans doute cantonnée trop vite, la Canadienne répond à cette question et ouvre un éventail musical qui lui permet de passer de l’intime à l’universel, en incorporant des touches de cordes et de synthétiseurs à son nuancier. On passe ainsi du dense et très organique morceau Robber qui ouvre l’album, tout en tension retenue, sur des influences free jazz (écoutez le saxophone jouant sa propre mélodie) au dixième et dernier Subdivisions qui le clôt, et dont la mélodie splendide et les paroles qui traitent de déni, de disparition nous laissent dans un lieu suspendu entre deux rives, comme entre chien et loup. Ce moment où l’on n’entrevoit pas encore très bien les contours de notre avenir, où l’on est comme ignorant de notre environnement futur.
Magnifiquement co-produite par Marcus Paquin (Arcade Fire, The National), la palette qui se déploie est large et le spectre des sentiments est ample. Le deuxième titre de l’album Atlantic aborde le thème du bouleversement climatique. Mais ce n’est pas une protest song comme on pourrait s’y attendre. Ce sont des sentiments dépeints par touches délicates, des petits moments de bien-être qu’il faut accueillir les bras grand ouverts sans cynisme aucun mais avec réalisme (“Je devrais lire au-delà des gros titres … (mais regardez) Quel coucher de soleil !”).
Le groupe qui accompagne Tamara Lindeman (deux batteurs, une guitariste, un bassiste, un saxophoniste, un claviériste-flutiste) apporte une touche très synthpop 80s, référencée mais pas datée, notamment sur le morceau Parking Lot où la Canadienne s’émerveille devant le vol d’un oiseau (anecdote personnelle vécue juste avant de passer sur scène un soir quelque part en Allemagne) ou encore sur Tried to tell you où la chanteuse parle d’un ami ignorant (tiens, encore ?) qu’il était amoureux. Cet apport des synthétiseurs est certainement dû au fait que, pour la première fois, les chansons n’ont pas été composées à la guitare.
Alors heureux sont ceux qui ignorent encore l’existence de The Weather Station, car ils sont sur le point de découvrir un disque plein et chaleureux, aux mélodies sophistiquées dont la richesse se déploie un peu plus à chaque écoute.
Discographie
The Line (2009)
All of it was mine (2011)
Loyalty (2015)
The Weather Station (2018)