Au bout de cette nuit d’été, rien n’aurait pu attenter à la concentration d’Anton Newcombe. Scotché sur le côté droit de la scène, les yeux constamment rivés vers le sol et son jeu de guitare, le « mastermind » des Brian Jonestown Massacre semblait hors d’atteinte. Il dictait la messe – toxique et hypnotique – en n’indiquant la marche à suivre à ses lieutenant(e)s que par le biais d’un hochement de tête, ou d’un regard furtif. C’était lors de la dernière édition de la Route du Rock. Et ce soir-là, les BJM avaient mis tout le monde d’accord. D’ailleurs, les montées sous les effets du Brian Jonestown n’auront jamais été aussi hallucinées depuis que leur chef en a terminé avec les substances, ses crises de parano et ses petits délires limite complotistes.
Désormais, et ça se saurait si cela avait toujours été le cas, Anton Newcombe est maître de sa logique implacable. En live, comme sur disques : une rythmique « wall of sound » – folle, lente, effrénée, ou sourde – exécutée au millimètre, une guitare flamboyante, une non-attitude comme on n’en fait plus…Il se paie surtout le luxe de ne jouer aucun hit – ou si peu (Dieu sait qu’il y en a) – et de garnir sa setlist de titres uniquement connus par les plus dévots de ses disciples, à l’affût de la moindre démo postée par ses soins sur son compte Youtube. C’est comme ça – en ouverture de concert – que l’on a pu entendre We Never Had a Chance, l’un des plus beaux moments « music is love, love is all » du BJM. Un hymne flower power aux beaux pétales fanés (car amer) de six minutes. S’il vient puiser du côté de Spacemen 3, l’instant est aussi ponctué d’un solo incroyable dont seul Newcombe a le secret.
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Ce titre, déjà considéré comme un classique par l’ensemble de la communauté, tout le monde espérait le voir apparaître dans le tracklisting de ce nouvel album. C’est bien le cas et on peut prendre ça comme une offrande. Ce 19ème album des BJM est issu des mêmes sessions que Something Else, sorti l’année dernière. À cette différence près qu’Anton Newcombe a décidé de laisser la batterie à Sara Neidorf. Psychédélisme tout britannique à la touche Yankee, l’électrique venant engloutir l’acoustique, solos hallucinants, orgues 70’s… Pour la deuxième fois de suite, on y retrouve un BJM dans ce qu’il aura été de plus classique et essentiel.

La plongée anachronique dans les Trente Glorieuses (60’s, 70’s, 90’s) est totale. Elle est parfois chantée en français par Rieke Bienert (la très Velvet Tombes Oubliées, version francisée de Forgotten Graves sorti il y a quelques mois en maxi en marge du centenaire de la Grande guerre). Elle est surtout interprétée par un Newcombe qui ne s’est jamais autant assumé derrière le micro (Drained, Cannot Be Saved, Too Sad To Tell You). Au risque d’en faire parfois un peu trop (What Can I Say). Conçu pour être affilié à Something Else, ce 19ème album se distingue pourtant de son aîné de quelques mois : plus homogène, peut-être plus marquant, mieux mixé, avec ses passages purement « rock’n’roll » pouvant susciter cette envie folle de tout laisser derrière soi (Drained, Remember Me This). La belle échappée en veste en jean. « I’m lost in this world, cos’ I lost my way, I got no place to go, I got nothing to say« . Bye !
L’autel voué au culte unique BJM vient d’être rehaussé d’une nouvelle pierre. Le corpus se solidifie encore un peu plus avec ce self-titled qui a tout pour attirer de nouveaux fidèles. Et ce n’est pas près de s’arrêter. Bientôt, le Brian Jonestown Massacre fera même son entrée dans les écrits. Avec un livre – intitulé Keep Music Evil – à paraître en avril aux Etats-Unis et en mai en Angleterre. Si Anton Newcombe n’y a apparemment pas participé, l’ouvrage comprendra des témoignages de Joel Gion, de Matt Hollywood, des Dandy Warhols ou encore d’Ondie Timoner, réalisatrice du – fabuleux, et controversé – documentaire Dig! qui aura malgré tout largement contribué à « populariser » les BJM par chez nous. Et parce qu’Anton Newcombe a constamment sa tête « Filled With Stuff » (seul instrumental de l’album dont il est question aujourd’hui), il est déjà de retour avec un autre projet. Il s’agit de L’Epée, un nouveau groupe monté avec les Liminanas et Emmanuelle Seigner. Un album devrait sortir d’ici la fin de l’année.
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Tracklist
1. Drained
2. Tombes Oubliées
3. My Mind Is Filled With Stuff
4. Cannot Be Saved
5. A Word
6. We Never Had a Chance
7. Too Sad To Tell You
8. Remember Me This
9. What Can I Say
Discographie
Pol Pot’s Pleasure Penthouse – 1991
Spacegirl and Other Favorites – 1993
Methodrone – 1995
Their Satanic Majesties’ Second Requests – 1996
Take It From The Man! – 1996
That God For Mental Illness – 1996
Give It Back! – 1997
Strung Out In Heaven – 1998
Bravery, Repetition and Noise – 2001
And This Is Our Music – 2003
My Bloody Underground – 2008
Who Killed Sgt Pepper ? – 2010
Aufheben – 2012
Revelation – 2014
Musique de Film Imaginé – 2015
Third World Pyramid – 2016
Don’t Get Lost – 2017
Something Else – 2018
The Brian Jonestown Massacre – 2019