Turbulents, mal élevés, infréquentables… Depuis plus de deux décennies, The Black Lips ont su rester fidèles à leur réputation de bad boys indomptables, particulièrement à travers des prestations scéniques aussi chaotiques que jubilatoires. Sur disque, le combo originaire de Géorgie a régulièrement été tenté de mettre un peu d’ordre dans son grand bazar « flower punk », en faisant par exemple appel à des collaborateurs plus accoutumés à fréquenter les sphères de la pop que celles du garage-rock (Mark Ronson sur l’indépassable Arabia Mountain en 2011 ou Sean Lennon pour Satan’s Graffiti or God’s Art? en 2017). Dans les faits, le chanteur Cole Alexander et ses camarades n’étaient pourtant jamais allés aussi loin dans le classicisme que sur Sing In A World That’s Falling Apart, un neuvième album qui marque un nouveau changement de cap dans l’itinéraire en zigzag du groupe d’Atlanta.

Revenus aux sources en enregistrant ces douze nouvelles compositions selon les méthodes appliquées à leurs débuts, sans recourir au moindre équipement numérique, The Black Lips sont remontés encore plus loin vers leurs racines en termes d’approche stylistique. Une très large partie de Sing In A World That’s Falling Apart s’inscrit en effet dans une veine country authentique que le groupe avait déjà effleurée par petites touches sur ses précédents efforts, mais qui prend ici une toute autre importance. Affublés de santiags et de chemises à franges, nos amis dégainent les guitares slide de circonstance (Chainsaw), beuglent leurs refrains imparables entre les murs d’un vieux saloon (Gentleman, Odelia) et éructent dans un harmonica avec l’haleine chargée de bourbon frelaté (Rumbler). Sans s’être totalement débarrassée de ses mauvaises manières et de son âme de trublionne punk (Dishonest Man, Angola Rodeo et son sax frénétique), la horde sauvage a su s’inspirer de la grande tradition musicale américaine sans tomber dans le piège évident de la parodie ou de l’hommage trop révérencieux.
En canalisant ses penchants les plus bordéliques sans rentrer dans le rang, le groupe signe sa collection de chansons la plus aboutie et la plus cohérente à ce jour. On ne leur fera pas l’injure de parler d’album de la maturité, pourtant The Black Lips n’ont jamais semblé aussi proches de l’âge adulte.
Discographie
Black Lips (2003)
We Did Not Know the Forest Spirit Made the Flowers Grow (2004)
Let it Bloom (2005)
Good Bad Not Evil (2007)
200 Million Thousand (2009)
Arabia Mountain (2011)
Underneath the Rainbow (2014)
Satan’s Graffiti or God’s Art? (2017)
Sing In A World That’s Falling Apart (2020)