Coup de projecteur sur le premier album méconnu de l’Australien Stu Thomas, sorti en 2004 et réédité en 2007. Entretien avec l’intéressé suivi de quelques questions posées à Fred Avril, qui a collaboré avec lui et Mick Harvey pour la bande originale du film Qui M’Aime Me Suive.
Quand Devil and Daughter est sorti en 2004, il n’a pas suscité le moindre remous critique ou publique. Le disque est resté dans l’ombre de son auteur, le prolifique Stu Thomas, musicien et multi instrumentiste australien, qui a dû collaborer au total à pas moins de 75 projets discographiques, et s’est illustré dans diverses formations dont Kim Salmon and the Surrealists ou avec Dave Graney.
Grand fan de Lee Hazlewood, adulé par Mick Harvey et Nick Cave, dont il a d’ailleurs assuré des premières parties en 2008, mais surtout songwriter de génie, Stu a composé et enregistré les chansons de ce joyau sur plusieurs mois et à domicile.
L’album témoigne de l’inspiration remarquable de l’individu non moins que de la grande fraternité de la scène australienne, puisqu’une multitude d’invités viendront prêter main forte, et notamment poser des voix sur des accords de toute beauté. La richesse instrumentale de l’ensemble vient placer Stu Thomas sur un podium où figurerait Hazlewood donc, son héros de toujours à qui il a d’ailleurs consacré un EP et une tournée, mais où pourrait aussi figurer Elliott Smith, c’est dire.
Insuffisamment re(connu) en Europe et aux Etats Unis, Stu Thomas a pourtant la panoplie complète du génie musical et Devil and Daughter en constitue le témoignage le plus éclatant : une pop lumineuse sur laquelle viennent planer des climats ombrageux du meilleur effet. La maîtrise harmonique de l’ensemble tient très certainement à la formation musicale de l’intéressé qui ne s’en laisse pas compter quand il s’agit de composer à la hauteur des plus grands. On reconnaît l’empreinte des sixties à tous les étages, mais l’utilisation des cuivres et percussions, adoubés et parfois joués par Stu lui-même, ainsi que sa voix profonde et éraillée accouplée à des arrangements aventureux évoquent parfois un Tom Waits qui se serait égaré sur les terres australes (Folsom Prison Blues, Real Big Spender). Les voix féminines alimentent enfin un dialogue permanent avec l’organe vocal de Stu, qui en vient presque parfois à s’effacer par galanterie pour laisser la vedette au « sexe faible » (Road to Hell, Resonance). Classe…
Ces titres ont quelque chose de si particulier qu’il est facile de les considérer comme pouvant constituer la bande son idéale de nos amours musicaux, une sorte de résumé complet de ce que nous portons aux nues, un défilé miraculeux de belles chansons troussées à l’ancienne (It’s Really Nothing, Light and Shadow, Treble and Bass).
Le disque est sorti sur le label ibérique Bang! et est encore disponible pour les chanceux qui voudraient s’en procurer une copie, plutôt que de s’abreuver sur les plateformes numériques qui permettront quand même aux retardataires de goûter au bonheur d’une écoute prometteuse. Devil and Daughter rejoindra à coup sûr votre Panthéon personnel et intégrera sans difficulté la liste, pas si longue, des références intemporelles dont la simple écoute suffit à sauver une journée.
Il ne faudra pas en écrire plus sur ce joyau sinon laisser la parole à l’auteur de ce forfait qui nous a fait l’immense honneur de répondre à nos questions (en ligne, confinement oblige) entre deux concerts et depuis Melbourne. Comme cela n’était pas prévisible au regard d’un palmarès qui ferait tourner la tête à beaucoup, cet artiste à la voix de velours possède en plus la qualité première d’être d’une gentillesse et d’une bienveillance absolues. Vieille Classe…
Stu, vois tu une raison particulière attachée au fait que « Devil and Daugher » soit pour tout auditeur une expérience auditive chargée d’émotion ?
Je te remercie pour cette appréciation… A vrai dire, je n’ai pas eu beaucoup de retours sur la façon dont le public avait été touché par cet album. Je me souviens juste d’une vieille critique qui disait » cet album te laisse avec le sentiment que tu n’es pas prêt de l’oublier » ou quelque chose comme ça. Je suis heureux d’imaginer que cet album laisse des traces chez ceux qui l’écoutent, et pour tout dire c’est le plus grand compliment que l’on puisse faire à un musicien, mais de là à trouver une explication….c’est une question difficile. Je pense que le son spécifique choisi pour ce disque joue beaucoup dans l’installation de l’émotion. En réalité la musique y est discrète tout en étant très présente, un peu ténébreuse aussi. Je chante sur un ton très faible mais intensément, faisant ressortir une certaine mélancolie et le cœur de la musique est porté par une guitare acoustique aux cordes en nylon qui produit un son très soyeux. Je sais que la science s’intéresse à la façon dont l’oreille humaine perçoit la musique et son effet sur nos émotions. Avec cet album , j’ai sans doute, sans m’en rendre compte, trouvé une combinaison de notes qui a touché les gens. Quand j’ai sélectionné les titres, je voulais juste déterrer et dépoussiérer ces vieux titres qui me trottaient dans la tête ou qui avaient été écrits et mis de côté. Tout a fonctionné mais en réalité il s’agit d’un curieux hasard, une sorte d’accident.
En ce qui concerne les paroles, c’est une autre histoire. Les gens peuvent s’identifier aux textes assez facilement. Il n’y a que des chansons tristes sur cet album. Des choses sur des relations avortées, ou des réflexions à moitié sérieuses sur l’existence . Peut être cela parle t’il au public ? J’espère que mes textes parlent à ceux qui m’écoutent en tout cas.
Est ce que tu dirais que c’est un album intimiste ?
Oui, on peux dire ça comme ça, c’est vrai, mais c’est principalement parce que les morceaux sont basés sur l’utilisation d’une guitare acoustique et que j’ai chanté d’une voix basse et intense. J’ai tenu à chanter le plus bas possible, ce qui signifiait chanter très doucement et très proche du micro. C’est comme quand quelqu’un murmure à ton oreille. Qui plus est à l’époque , je jouais beaucoup avec la reverb et la compression, des trucs de production qui étaient pour moi assez nouveaux. J’ai utilisé la reverb comme un instrument à part entière. C’est pour cette raison que cela donne un son chaud avec beaucoup d’amplitude.
Tu as enregistré chez toi d’octobre 2002 à Août 2003.
L’écriture et l’enregistrement ont en fait débuté quelques années avant 2002, mais l’essentiel a été fait sur cette période oui.
Out of body a été enregistré sur un quatre pistes en 1993 par exemple, une chanson que je n’arrivais pas à placer avec mes différents groupes, qui cherchait une maison et qui l’a trouvée !
En 1999/2000, j’ai ressenti une petite frustration avec les groupes dans lesquels j’évoluais et j’ai surtout senti le besoin de me prouver que je pouvais composer tout seul, au lieu de pousser la brouette de tout le monde. En fait quand j’ai quitté Perth pour Melbourne en 1990, pour me concentrer sur la musique, j’étais le compositeur et chanteur d’un groupe qui s’appelait Organism. En 2000, après de nombreuses tournées mondiales, des promotions télé, je jouais de la basse dans différentes formations et j’étais connu à Melbourne comme le type un peu incontournable à la basse. Et j’ai joué aussi dans mon propre groupe comme leader The Brass Bed et ça pendant plusieurs années d’affilée. Mais dès que je pouvais jouer en solo, je ne me privais pas. En fait j’ai toujours joué avec deux ou trois groupes en même temps. J’ai donc toujours vécu avec des groupes tout au long de ma carrière puis à un moment j’ai senti qu’il était temps que je me remette à l’écriture solitaire. J’avais aussi besoin de reconnaissance en tant que songwriter. J’ai senti que le son acoustique était la meilleure chose pour y arriver, la voie la plus facile et ce qui correspondait le mieux à ce que j’avais en tête, au regard de mes propres compositions.J’ai joué beaucoup de musique, du Brass band, au rock garage le plus agressif. J’ai toujours joué tout type de musique en fait. Même le reggae et la country , c’est dire !
En 2000, j’ai produit une démo sur un quatre pistes que j’ai mis sur un mini CD que j’ai fait circuler. Anna Burley, du label Audrey Records, est tombée dessus et a tout de suite décidé qu’il fallait sortir un album avec ces titres, ce qui m’a vraiment motivé pour enregistrer les chansons que je traînais depuis quelques années, et pour en faire un assemblage cohérent. 95 % de l’album a été enregistré chez moi et le reste par Craig Pilkington du Audrey Studios qui m’a aidé à tout finaliser et à mixer ce que j’avais enregistré. Il a produit le son que je recherchais. Seulement deux titres ont été complètement réenregistrés au Audrey Studio : Treble and Bass, et Road to hell, mais pour être parfaitement honnête, je pense que les titres que j’avais enregistré chez moi étaient meilleurs. Comme le disait Jack Kerouac : première pensée, meilleure pensée. Je pense toujours que la spontanéité et l’improvisation sont les choses intéressantes à essayer de capturer sur un disque.

Il y a beaucoup d’invités sur cet album. Peux tu nous en parler, en ce compris ta maman ?
Oui, au début du processus d’écriture de ce qui est devenu mon premier album solo, je m’étais imposé un rythme d’écriture de sept chansons en une semaine. J’avais lu une interview de Kate Bush qui s’était forcée à travailler sur ce rythme. J’ai pensé que je pouvais tenter de le faire. Évidemment je n’ai pas atteint mon but ! Mais je suis quand même parvenu à sortir cinq morceaux en une quinzaine de jours. Les trois restantes étaient Treble and basse, Resonance et Real big spencer. Si tu y prêtes attention, tu verras que je me suis inspiré des curseurs de mon ampli : Treble, Middle, basse, résonance, présence, reverb, volume etc….A l’époque, mon colocataire venait juste d’acheter un mac sur lequel il avait installé Protools et j’ai commencé à enregistrer des démos très simplement, avec ma guitare et ma voix. J’apprenais en même temps à enregistrer, ce qui m’a fait par la suite investir dans le même logiciel de traitement du son. Je chantais très doucement, le plus bas possible. Puis j’ai ajouté des voix féminines virtuelles et d’autres instruments pour étoffer les morceaux. J’ai utilisé une boite à rythme mais si tu écoutes bien il y a de la vraie batterie sur certaines chansons. Les démos sont devenus les morceaux finaux parce que j’ai toujours aimé les premières prises, la première fois qu’une chanson est jouée ou chantée, c’est vraiment très particulier de capturer ce moment, quand tu as la possibilité de le faire. Puis je me suis dit que les voix numériques pouvaient être remplacées par des vraies voix féminines et j’ai commencé à sélectionner les morceaux qui pouvaient faire l’objet de duos voix masculine/voix féminine.
J’ai alors commencé à voir le disque comme un disque de duos. Comme je jouais avec beaucoup de groupes à Melbourne, je connaissais des chanteuses susceptibles de répondre à mes aspirations et je leur ai demandé de venir m’aider, tout en sélectionnant très précisément les morceaux en fonction du type de voix de mes invitées. Finalement, il n’y a que la moitié des titres qui se sont terminés en duo, mais je crois que c’est mieux pour l’équilibre de l’ensemble. Je ne voulais pas m’imposer non plus une contrainte qui m’aurait enfermé dans un genre difficile à tenir sur la longueur.
Pour répondre plus précisément à ta question , il est vrai que la grande majorité des invités sont des femmes, mais pas seulement. Sur les deux titres que nous avons réenregistrés en studio, j’ai invité beaucoup d’amis musiciens. En 2004, j’ai beaucoup tourné en Europe et beaucoup de mes amis étaient sur Berlin. Il y a Mike Noga qui jouait avec les Drones mais qui a aussi joué dans mon groupe The Brass Bed. Je lui ai demandé d’assurer certaines parties de batterie. Il y a aussi Delaney Davidson qui joue de la basse sur Out of body. Il jouait dans Doghouse avec moi dans les 90 ‘s. Delaney m’a aidé à finir des titres comme Real Big Spender. C’est maintenant un des musiciens les plus en vue en Nouvelle Zélande. Il ya aussi Lemmi Schwarz qui joue de la clarinette et Chris Hughes des drums. Marc DiMarzio a joué de la guitare slide sur le réenregistrement de Treble and bass. Quand l’album a été réédité en 2007, j’ai d’ailleurs inclus la version originale de ce titre donc il n’apparaît pas sur la réédition mais il est bien sur la version sortie en 2004. Marc était lui aussi un membre de Doghouse. Ma mère fait effectivement une apparition ! J’étais avec elle lors d’une soirée de Noel et je lui ai demandé si elle acceptait de participer à cet album. Pour rire…J’ai alors enregistré sa voix sur un répondeur. Elle était assez gênée lors de la prise de son et je lui ai alors demandé de s’adresser à un terrier maltais, Louie. Donc sur le disque elle s’adresse en réalité à un chien….
Pourquoi tant de voix féminines ?
Je voulais qu’il y ait un contraste entre le ton de ma voix et des tonalités plus hautes. Anna Burley a été la première contactée pour chanter sur Treble ans bass. En fait nous l’avions enregistré avant même que la sortie de l’album ne soit décidée. Anna jouit d’une grande notoriété en Australie. Elle joue avec les Killjoys. Elle était très contente du résultat. Pour Emilie Martin je jouais de la basse avec elle dans un groupe de rock, Luxedo. Elle a accepté de prêter sa voix angélique pour Resonance. J’ai aussi joué avec Bard Waters qui est assez connue pour avoir fait partie de Crown of thorns et The Hollowmen, avant de poursuivre une carrière solo. Quant à Clara Moore je l’ai convaincu de faire ce duo en lui disant que ma chanson Real Big Spender était un peu comme une chanson des Carpenters ! Elle a pris un train depuis chez elle et accepté de faire une session dans mon local de musique . Clara a apporté quelque chose de différent par rapport à ce que j’avais envisagé au départ, une approche plus individuelle, qui fonctionne parfaitement. Quelques années après nous avons joué ensemble dans le Dave Gravey Band. J’ai par ailleurs travaillé pour un distributeur de disques de 2001 à 2004, et c’est là que j’ai rencontré Amanda Rochford. C’était mon boss. Je n’avais pas idée de ce que sa voix pouvait produire mais c’est un ami qui m’a suggéré de lui demander participer à mon projet. Et cette façon si douce de chanter a convenu parfaitement au titre If only. Je me souviens qu’Amanda avait eu un fou rire à propos des paroles qu’elle qualifiait de sérieusement hilarantes … !
Ta fascination pour Lee Hazlewood n’est pas un secret. Vos voix présentent d’ailleurs beaucoup de similarité. Comment vois tu sa discographie, et quelle est la meilleure chose que tu aies appris de cet artiste ?
J’ai été élevé avec la musique de Lee Hazlewood. Je remercie d’ailleurs ma mère pour cet apprentissage. Elle a toujours été une grande fan de musique, n’arrêtait pas d’acheter des disques, et parmi ce qu’elle a ramené il y avait les disques de Nancy and Lee et aussi les albums de Nancy Sinatra. Il m’a fallu plusieurs années pour comprendre que c’est Lee qui était derrière tout ça, et alors j’ai découvert sa propre musique. C’est un grand chanteur évidement mais c’est surtout un incroyable producteur et un songwriter prolifique. Bien sur dans les années 9O ses disques étaient très difficiles à trouver, pas d’internet, rien… c’était comme essayer de trouver un chanteur culte dans le cul d’un lapin ! Maintenant c’est mieux, les rééditions des albums permettent à tout le monde de redécouvrir ces enregistrements sublimes. Quand il est mort en 2007, j’ai voulu faire une soirée d’hommage avec beaucoup d’invités mais ce n’est qu’en 2014 et 2015 que j’ai fait des concerts consacrés à la musique de Lee avec mon groupe The Stu Thomas Paradox. Les concerts sont devenus très populaires et on me demande de refaire ça tout le temps. j’espère que j’aurais l’occasion de le refaire mais je dois aussi me concentrer sur ma propre musique désormais. En 2014, j’ai sorti un EP hommage Stu plays Lee. J’ai beaucoup appris de cet homme, qui pouvait susciter des émotions très fortes, tout en pouvant utiliser l’ humour par ailleurs. Il avait une simplicité dans l’écriture qui fonctionne à chaque fois. Les meilleurs musiciens et arrangeurs étaient à sa disposition, tout était réuni pour produire de la vraie bonne musique classique. J’apprends encore aujourd’hui en écoutant ses albums et je ne suis jamais déçu.
Revenons à Devil and Daughter. Tu as enregistré des instruments un peu inédits pour un disque de rock, non ? As-tu l’habitude d’utiliser des instruments autres que la basse, les guitares et la batterie ?
Oui, j’ai l’habitude de ne pas rester dans le carcan que tu décris. La trompette a été mon premier instrument, je l’ai appris à l’école et j’ai appris la guitare, la basse plus tard, par moi même. J’ai toujours été intéressé par les vieux sons. Quand j’étais adolescent j’aimais beaucoup écouter les radios universitaires qui passaient tous les styles de musique de différents pays mais aussi de la musique expérimentale. J’ai toujours eu ce réflexe d’inclure des instruments un peu bizarres dans ma musique. Il faut aussi bien doser le truc, sinon ça finit par ressembler à un vrai marché aux puces. Avec les chansons de Devil and Daugher, j’ai intégré un peu d’accordéon et du mélodica, du sitar, du trombone, des trompettes, du piano.
Quel est ton meilleur souvenir d’enregistrement sur ce disque ?
Oh, j’ai des bons comme des mauvais souvenirs en réalité. Ce disque a finalement été très long à terminer, trois années bien trop longues. Je voulais le faire vite mais dès que tu commences à travailler avec d’autres musiciens, avec la pression financière, ça ralentit le processus. Ça aurait pu tuer le disque d’ailleurs. Mais j’étais résolu à le sortir. Quand l’album est enfin sorti en 2004, il y a eu une soirée organisée à Melbourne qui était couplée à une exposition de Mark DiMazio. Nous avons joué avec une section à vent et les invités sont venus chanter. Et là c’est un souvenir mémorable, une nuit fantastique. Un autre souvenir sympathique me revient aussi : Je parlais avec Juan de Bang records dans les backstage de l’Azkena Rock festival en Espagne en 2006, et la question se posait de savoir si ils allaient sortir Devil and Daugher. Je jouais avec Kim Salmon and the Surrealists. Juan a fini par me dire qu’il n’allait pas sortir ce disque sur son label. Mais c’était sans compter sur Gorka l’autre associé de Bang qui a littéralement craqué sur le disque, a pris fait et cause pour moi , court-circuité son associé et sorti Devil and Daughter en vinyle. Merci Gorka !
Devil and Daughter est considéré par beaucoup comme un disque très important, en passe de devenir un classique. Es tu fier de cela ?
Je suis heureux de constater que beaucoup de gens ont écouté ces chansons et c’est encore plus plaisant d’entendre qu’il y ont trouvé quelque chose de spécial. Ce qui me rend le plus heureux c’est que cet album vive toujours, qu’il ait sa propre existence et qu’on en parle toujours. Je pense que c’est parce qu’il a un son particulier. Je suis évidemment très fier de cela, de sa longévité. Je crois que ce disque concentre tout ce que j’aime en matière d’instruments et de musique. C’est déjà beaucoup.
Il nous a paru intéressant de prolonger cet entretien avec quelques questions posées à Fred Avril, qui a utilisé les services de Stu sur la bande son du film Qui M’aime Me Suive.
Comment avez vous connu Stu Thomas ?
J’ai demandé à Mick Harvey, camarade d’école de Nick Cave et membre fondateur des Bad Seeds, d’interpréter la chanson « Simone » que j’ai écrite pour le générique de fin du film « Qui m’aime me suive ». Comme il y a 3 personnages dans le films, 2 hommes et une femme, j’avais écrit une mélodie pour 2 hommes et une femme. Pour la femme, c’était vu direct, c’était la nièce de Mick qui l’accompagne sur scène (sur les nombreuses reprises de Gainsbourg) mais il manquait un deuxième chanteur, et Mick Harvey m’a dit, j’ai un ami en tête qui n’est pas très connu mais a un talent extraordinaire : Stu Thomas.
Que représente pour vous son album Devil and Daughter ?
C’est un vrai mélodiste. J’adore des morceaux comme Treble and Bass ou Road to Hell.
Le réalisateur m’a laissé carte blanche pour le générique de fin, j’ai adoré la voix de Stu, j’étais hyper heureux du résultat. Tout le monde dans l’équipe l’était d’ailleurs, y compris le réalisateur qui est fan de Mick Harvey. Une anecdote, c’est qu’à la fin, comme parfois dans le monde du cinéma, ça s’est compliqué, certains ont commencé à dire que les deux voix (celle de Mick et celle de Stu) étaient trop proches et qu’on identifiait pas que c’était un duo… Mais j’ai mixé le morceau et Mick a fait un email incendiaire à la production en disant « Look, c’est Stu ou je sors du projet » ! Et tout était réglé. You don’t mess with a Bad Seed !
L’avez-vous rencontré ?
Non hélas, mais je l’ai remercié et félicité par email.
Comment définiriez vous son approche musicale ?
Je ne sais pas. Ce que je ressens c’est une virilité géniale, au sens buddy, le « good cowboy » comme l’était Lee Hazlewood, mais avec une énergie plus rock, plus Lou Reed.. Il a digéré les sixties et en fait quelque chose de bien personnel. Et on sent que les lyrics sont au coeur de la compo. J’adore ça.
Propos de Stu Thomas et Fred Avril recueillis par Christophe David