Sam Lee – Old Wow

(Cooking Vinyl)

Accompagné de Bernard Butler et de Liz Frazer, Sam Lee signe un hommage fascinant à la nature et à la tradition folk britannique.

« No folk song on a dead planet ». Particulièrement engagé au sein des mouvements Music Declares Emergency ou Extinction Rebellion, Sam Lee se pose comme un véritable activiste lorsqu’il s’agit de cajoler la nature, et d’encourager son prochain à entretenir un lien spirituel avec cette dernière. Fondateur du collectif Nest – club dont l’existence consiste depuis dix ans à faire en sorte que la tradition folk britannique ne bascule pas totalement dans l’oubli – ce Mother Nature’s Son est notamment connu pour parcourir les forêts, sa guitare folk dans le dos. Parfois, il y plante un feu de camp, ou s’y assoit sous le regard d’oiseaux (particulièrement ceux dont l’espèce est menacée) dans le cadre du festival Singing With Nitghtingales. Un rendez-vous qu’il organise avec son collectif, et qui se déroulera cette année dans un lieu tenu secret, quelque part dans le Sussex.

Régulièrement, on le retrouve en compagnie des communautés tziganes irlandaises et écossaises. Celles-là même que l’on côtoie à travers les saisons de la série Peaky Blinders, et dans laquelle Sam Lee fait d’ailleurs une apparition en tant que chanteur gypsy. L’histoire raconte justement que ce Londonien aujourd’hui âgé de 39 ans serait parti à la rencontre de toutes ces communautés. L’objet de son petit périple ? Leur demander la permission de collecter leurs chansons folk ancestrales, de se les approprier pour tenter de les transmettre aux nouvelles générations. Toutes ces chansons lui ont été enseignées par son mentor : le conteur écossais Stanley Robertson. Quelque part, ce travail d’apprenti historien et d’explorateur mené dans les camps d’Aberdeen et de l’Oxfordshire peut – là aussi – s’apparenter à une course contre une certaine forme d’extinction. Et il se trouve qu’Old Wow en est une restitution contemporaine.

Ce disque à la pochette magnifique et qui a le mérite de planter immédiatement le décor – « toutes les chansons que je chante évoque nos relations avec la terre », dit-il – succède à Fade in Time (2015), et surtout à Ground of Its Own (2012) qui avait valu à Sam Lee une nomination au Mercury Prize. Le Londonien apparaissait alors comme l’un des visages importants du renouveau de la folk britannique. Ce troisième album bénéficie de la production de Bernard Butler (Suede), et on y retrouve également la très rare Liz Fraser (Cocteau Twins) le temps d’un The Moon Shines Bright mystique et enchanteur. Voilà déjà quelques éléments – et non des moindres – susceptibles d’attirer de nouveaux curieux vers un Sam Lee qui impressionne ici par son ambition. Notamment au regard du soin apporté aux arrangements (piano, cordes) qui accompagnent la ré-interprétation de ces quelques trésors sortis de l’oubli.

Les contrées explorées dans Old Wow sont vastes, aventureuses et requièrent également une certaine attention. Mieux vaut être bien chaussé et bien regarder là où l’on met les pieds, parce que celles-ci se révèlent parfois plus austères et difficiles à emprunter qu’il n’y paraît (Spencer The Rover, Jasper Sea). Sans doute ce petit côté Joanna Newsom… Cependant, la plupart du temps Sam Lee réussit cette prouesse d’envelopper ces petites histoires ancestrales dans une chaleur quasiment « soul ». Ce supplément d’âme emmène certains passages bien au-delà des frontières classiques du folk britannique. Les chansons sont comme libérées. On pense notamment à l’indispensable Lay This Body Down, et à cette sensation d’entendre un Nick Cave secondé par les Fleet Foxes et Richard Hawley. Sam Lee possède aussi cette faculté de tout emporter sur son passage grâce à ce phrasé qui lui est si particulier (Soul Cake). Et puis il y a cette tension rythmique, quasi permanente. Comme pour inscrire ces chansons dans l’urgence de notre époque.

Sam Lee ferait incontestablement un excellent conservateur de musée : capable de mettre en valeur n’importe quel vestige jusque-là délaissé dans les réserves, d’en préserver l’essence tout en le présentant sous un jour nouveau. Et si Old Wow est une œuvre de transmission pouvant également être perçue comme un acte de résistance face au temps, il est aussi l’un des disques folk – voire « chamber folk » – les plus fascinants de ce début d’année.

 

 

Discographie
Old Wow (2020)
Fade In Time (2015)
Ground of Its Own (2012)

Sam Lee

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