Muzz – S/T

(Matador Records)

Au sein de Muzz, l’alchimie entre Paul Banks, Josh Kaufman (Bonny Light Horseman) et Matt Barrick (The Walkmen) est totale. En ressort, un premier album particulièrement réussi où l’on voit le leader d’Interpol s’aventurer sur des territoires qu’il n’avait jusque là jamais véritablement exploré.

Autant commencer par la conclusion : cet album de Muzz est une belle, voire une magnifique surprise. Non pas que l’on avait des doutes sur le cas ″Paul Banks″, car si l’on peut considérer que le sommet inaugural d’Interpol (Turn On The Bright Lights, 2002) ne sera sans doute plus jamais atteint, il serait un peu facile de faire table rase du reste de la carrière du groupe new-yorkais. Bien que typiquement 2000’s, Antics fonctionne toujours, et à tous les coups, Our Love To Admire ainsi que l’éponyme incompris de 2010 recèlent de quelques bijoux, et le petit dernier – Marauder – se hisse parmi ce qu’Interpol a pu faire de mieux. Et ce n’est pas Bob Mould qui vous dira le contraire. Au compteur de Paul Banks, on retrouve également deux albums solos qui visaient plutôt justes. Quant à sa collaboration avec RZA du Wu-Tang (Banks and Steelz), il faut être honnête : il était cette fois plus facile de passer à côté.

Paul Banks, Josh Kaufman et Matt Barrick. (DR)

À vrai dire, et parce que la déception est souvent au rendez-vous, c’est plutôt la notion de ″supergroupe″ qui – au départ – ne fait pas vraiment tilt. Même si dans ce cas précis, celle-ci est tout de même à relativiser puisque Muzz – outre Paul Banks – ne fait ″que″ rassembler Matt Barrick (batteur de The Walkmen, et parfois des Fleet Foxes), ainsi que Josh Kaufman (Bonny Light Horseman) également connu pour son travail d’accompagnant aux côtés de The National ou de The War On Drugs. Autrement dit, et sans vouloir offenser quiconque, ce n’est pas comme si on se retrouvait écrasé sous le poids du ″hall of fame″. Les communiqués stipulent que Muzz est surtout le fruit d’une ″longue histoire d’amitié″. Notamment entre Paul Banks et Josh Kaufman. Les photos publiées sur les réseaux sociaux, où l’on voit les deux ados – ensemble, guitares à la main et eye-liner autour des yeux pour le baryton d’Interpol – tendent d’ailleurs à le prouver.

Bad Feeling et ses chœurs féminins s’écoutent comme une complainte à la Bryan Ferry, Evergreen – une merveille de technique, d’arrangements discrets et de détails en tout genre – joue à la balle rebondissante avec une voix d’abord étouffée puis libérée au moment du refrain, Red Western Sky rappelle les plus belles heures de The National, Patchouli est un modèle de space folk, puis vient le grand moment folk pastorale du disque, Everything like It Used To Be… Ce premier – et peut-être unique – album de Muzz s’ouvre de manière assez magistrale. On peut même aller plus loin : Broken Tambourine et son piano à la Satie sont d’une mélancolie et d’une justesse absolues ; et c’est seulement avec Knuckleduster que l’on retrouve véritablement une trace de l’ADN d’Interpol, une empreinte quelque peu pervertie par une flûte, ces quelques notes de piano ou par ce vacarme strident propre à celui de Grizzly Bear. Enfin, tandis que le final d’All is Dead To Me emporte tout sur son passage, on se dit que Paul Banks ne s’est sans doute jamais montré sur un versant aussi tendre que sur Trinidad.

Au sujet de ce disque, l’enthousiasme peut être total si toutefois on lui laisse le droit de s’installer. Évidemment, le propos se veut plutôt sombre, mélancolique et nostalgique. La verticalité de Paul Banks entre ici en collision avec les contours folk et arrondis du théoricien ″indie″ Kaufman (il faut également souligner le travail exemplaire de Matt Barrick). De cette enveloppe sonore de haut vol, faite de détails et de petites trouvailles – toutes perceptibles et passionnantes – surgissent un contraste et une incontestable alchimie. Avec parfois, cette petite chaleur « soul » en plus. Exit les Chameleons ou encore ces comparaisons régulièrement dressées à l’emporte pièce avec Joy Division. Au sein de Muzz, le frontman d’Interpol fait son vrai pas de côté, s’aventure sur les traces de Leonard Cohen, de Neil Young ou encore de Bob Dylan. Une éblouissante parenthèse.

 

 

 

 

Tracklist
1. Bad Feeling
2. Evergreen
3. Red Western Sky
4. Patchouli
5. Everything Like It Used To Be
6. Broken Tambourine
7. Knuckleduster
8. Chubby Checker
9. How Many Days
10. All Is Dead To Me
11. Trinidad

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