Pour beaucoup, les Canadiens de The Dears restent d’abord associés à No Cities Left, un deuxième album sorti dans leur pays en 2003 puis arrivé quelques mois plus tard en Europe après que l’ex-Cocteau Twins Simon Raymonde, patron du label Bella Union, les ait repérés au Festival South By Southwest. Fondée sur des références majoritairement britanniques, la pop orchestrale tout en tension dramatique du groupe de Montréal avait alors de sérieux atouts pour en faire les grands rivaux de leurs compatriotes d’Arcade Fire. Win Butler, Régine Chassagne et leurs camarades ont finalement raflé la mise, rejoignant pour un temps au moins la catégorie des poids lourds du rock international. Murray A. Lightburn et les siens ont quant à eux disparu progressivement des radars médiatiques, en dépit d’une ambition persistante et jamais assouvie. The Dears ont pourtant maintenu bravement leur cap, passant ainsi de semi-réussites (Missiles ou Gang of Losers, considéré par Lightburn comme le véritable manifeste du groupe) en demi-échecs (Degeneration Street), constamment tiraillés entre la finesse d’écriture de leur impressionnant leader et une tendance un peu trop marquée à la grandiloquence. Jamais, toutefois, ils ne sont parvenus à renouer totalement avec les charmes souffreteux de leur magistral No Cities Left.

Deux ans après Times Infinity Vol Two, le dernier album en date de The Dears, Murray A. Lightburn a décidé de se consacrer à une aventure plus personnelle, à travers la réalisation d’un deuxième album solo dont l’écriture avait débuté à l’été 2016. Abordant des thèmes intimes tels que la paternité et les relations de couple, Hear Me Out est un album aux sonorités un rien désuètes, qui tranchent nettement avec les expérimentations électroniques de son premier album solo Mass:Light (2013), enregistré en autarcie au cours d’une période artistiquement et personnellement troublée. Pour donner corps à son nouveau projet, l’homme a fait appel au producteur Howard Bilerman (Arcade Fire, Leonard Cohen, British Sea Power), et s’est également entouré d’une myriade de musiciens de la scène canadienne, parmi lesquels le guitariste de jazz Steve Raegele, le bassiste Rémi-Jean Leblanc ou le batteur de The Dears, Jeff Luciani. Murray A. Lightburn, qui explique avoir beaucoup écouté les disques de Gordon Lightfoot avant d’enregistrer cet album, n’avait encore jamais opté pour une approche de ″singer-songwriter″ aussi classique. Délesté de l’emphase instrumentale qui plombe parfois les compositions de son groupe-amiral, le Canadien a pu laisser libre cours à sa sensibilité, voire même à une certaine fragilité. A la fois luxuriants et savamment nuancés, davantage inspirés par les productions Motown, la soul des 70’s ou les crooners des 50’s que par l’esthétique indie-rock, les arrangements raffinés de ce Hear Me Out rappellent parfois ceux du Simple Pleasures des Tindersticks (1999). Il forment un écrin sur-mesure pour les confessions de Murray A. Lightburn, un musicien au parcours chaotique qui semble atteindre ici la plénitude de son art.
Discographie
The Dears
End of a Hollywood Bedtime Story (2000)
No Cities Left (2003)
Gang of Losers (2006)
Missiles (2008)
Degeneration Street (2011)
Times Infinity – Volume One (2015)
Times Infinity – Volume Two (2017)
thedears.org
Murray A. Lightburn
Mass:Light (2013)
Hear Me Out (2019)
murraylightburn.com