En pleine préparation d’une tournée en Asie, le bouillonnant et prolifique Jerry Paper a répondu à nos questions. Nous sommes revenus sur son dernier album Like A Baby, sorti fin 2018, il nous a parlé entre autres de ses plats préférés, de Scott Walker et de son goût depuis son plus jeune âge pour les musiques de dessins animés.
Bonjour Lucas, comment décrirais-tu Jerry Paper ?
Jerry Paper, c’est un peu mon double. C’est une version de moi qui a la faculté de m’observer, de m’examiner. Et on peut dire que dernièrement, c’est devenu une version plus honnête de moi-même. C’est la meilleure manière pour moi d’être également honnête sur scène.
Ça me fait un peu penser à la notion de pleine conscience…
En quelque sorte, l’idée c’est d’apprendre à ne plus juger mais à juste observer tout ce qui nous entoure. J’apprends à m’observer.
Pourquoi avoir choisi comme nom de scène Jerry Paper ?
Je ne sais pas ! C’est un peu comme un personnage de BD.
Est-ce que tu as un hobby en dehors de la musique ?
Je ne sais pas si on peut appeler ça un hobby, mais j’aime manger ! Ma femme est chef, elle nous cuisine plein de trucs différents. On habite à Los Angeles et on aime bien aussi tester tous les petits restaurants du coin.
Quel est ton plat préféré ?
Difficile à dire, j’adore la cuisine vietnamienne, c’est pour moi l’une des meilleures combinaisons du cru et du cuit, des crevettes, du porc, toutes ces saveurs qui s’assemblent délicieusement.
Où est-ce que tu as grandi ?
A Santa Monica, en Californie, pas très loin de Los Angeles. Je suis né à quelques rues de l’océan, mais je t’avoue que je n’allais pas souvent à la plage. Quand j’étais tout petit, j’avais un copain avec qui je jouais très souvent, ensuite j’ai passé beaucoup de temps tout seul.
Est-ce que tes parents écoutaient beaucoup de musique ?
Je me souviens surtout qu’ils en écoutaient en cuisinant. Oui, on en revient toujours à la nourriture ! J’ai un souvenir très distinct de mon père qui chantait sur les Beatles en préparant ls souper.
Est-ce que tu aurais une petite anecdote de ton enfance à me raconter ?
Quand j’avais 5-6 ans, on m’a inscrit dans une toute petite école de quartier. Tous les vendredis matins, on réunissait toutes les classes dans l’amphithéâtre et on demandait à un élève de chanter un truc ou faire écouter une de ses chansons préférées. Quand ce fut mon tour, j’ai ramené le CD qui contient Powerhouse de Raymond Scott, ce sont des musiques pour dessins animés, j’étais super excité à l’idée de faire écouter ça à mes petits camarades. Je revois tout le monde assis sans bouger en train d’écouter cette musique un peu folle et moi en train de me dire: je n’ai peut-être pas fait le bon choix !
Est-ce que tu pourrais me citer 2 chansons qui t’interpellent à chaque fois que tu les écoutes ?
Il y a When Joanna Loved Me par Scott Walker, qui me touche vraiment parce qu’elle me rappelle une période spécifique de ma vie. C’est très beau, ça te prend aux tripes. Tout s’imbrique naturellement, la mélodie, les arrangements, les paroles. Dès que je l’entends, je me retrouve au moment où je l’écoutais en boucle. Il y en a une autre qui a le même effet sur moi, elle me fait voyager dans le temps, c’est First Girl I loved par The Incredible String Band. Je me revois, j’avais 17 ans. Avec ma copine, avec qui je me suis depuis marié, on avait pris du LSD en écoutant ce titre. La chanson parle du passé, tout ce qui a définitivement disparu. On trouvait ça très triste, la chanson n’est pas forcément triste en soi mais on était très amoureux et très jeunes, on s’imaginait séparés l’un de l’autre et ça nous brisait littéralement le cœur ! Aujourd’hui, tout ça me fait sourire parce qu’on est mariés depuis 11 ans et que tout va bien finalement, on n’a plus les mêmes angoisses, mais dès que je la réécoute, je nous revois à ce moment de notre vie avec toute la naïveté qui va avec.
Si tu devais vraiment voyager dans le temps, tu choisirais quelle période ?
Je n’y ai jamais pensé à vrai dire. En vérité, je préférerais aller plutôt dans le futur que dans le passé. On ne sait pas ce qui va se passer demain, mais j’ai envie de croire que ce sera mieux qu’hier ! Soyons réalistes, le futur sera peut-être pire que le présent, mais sachant ce qui s’est passé avant, je n’ai pas trop envie d’y retourner !
Est-ce que tu as un endroit et un instrument privilégiés pour composer ?
Ça a pas mal varié au fil du temps, pour mon dernier album, Like a Baby, ça a été surtout la guitare et le piano. Pour l’album précédent, la guitare, et avant ça, le synthé. J’écris à la maison, dans cette pièce le plus souvent. Mais là par exemple, j’ai composé deux nouvelles chansons lors de la dernière tournée, qui vient juste de s’achever.
J’ai lu des trucs comme quoi tu restais enfermé pendant des mois dans ta chambre pour composer ?
C’était il y a très longtemps ! Je ne fais plus ce genre de trucs mais j’adore rester à la maison !
Comment est-ce que ta manière d’écrire a évolué ?
Je passe beaucoup plus de temps aujourd’hui sur mes morceaux. Au début, je pouvais sortir un album tous les 6 mois, aujourd’hui je prends plus de soin, je travaille plus la mélodie, je choisis une note plutôt qu’une autre, les paroles aussi me demandent plus de temps. Ça peut prendre quelques jours, quelques mois, une année ! Par contre, en studio ça va plutôt vite, un mois à peu près. Parfois j’ai les arrangements en tête mais c’est assez rare, parfois juste le rythme et je pars de ça.
J’ai essayé de décrire ta musique à une amie et j’ai dit que c’était un peu la rencontre entre les Beach boys et De La Soul…
Je prends ! Je ne sais pas trop moi-même comment décrire mes albums, j’ai déjà essayé mais ça me paralyse, je me contente de les faire ! Ensuite c’est à ceux qui les écoutent de statuer. Il y a plein d’influences, parfois inconscientes, que filtre notre cerveau et c’est sûr que les artistes dont tu parles en font partie. Si ça ressort un peu dans mes chansons, c’est génial !
Il y a un côté très ludique ou second degré dans tes chansons.
C’est effectivement un aspect très important. Si ma musique est un tant soit peu le reflet du monde dans lequel on vit, j’y vois beaucoup de choses qui ne sont pas sérieuses et qu’il vaut mieux évoquer avec drôlerie. L’humour est une partie essentielle de ma vie et c’est pour ça qu’il est présent dans mes chansons.
Est-ce qu’on te reverra bientôt en France ?
Je suis venu il y a quelques mois. Il faut dire la vérité, c’est très coûteux d’organiser une tournée en Europe, mais j’espère que ça se reproduira très vite.
Laquelle de tes chansons aimerais-tu que j’utilise pour illustrer cette interview ?
Je te laisse choisir ! Celle que tu préfères, qui te parle le plus.
Dans ce cas, j’en choisis deux, A Moment (remixé par Helado Negro) et Grey Area.
Discographie
Vol. I (2012)
Fuzzy Logic (2013)
Feels Emotions (2014)
Big Pop For Chameleon World (2014)
Carousel (2015)
Toon Time Raw! (with Easy Feelings Unlimited) (2016)
Like a Baby (2018)