S’il a un nom qui pourrait lui permettre de faire partie du milieu de terrain des Reds de Liverpool, le Néo-Zélandais James Milne est surtout un fervent défenseur de la cause « chamber pop ». La vraie, celle avec clavecin, violons ou autre autoharp. La sienne est certes bercée au son 70’s de la côte ouest américaine, mais – tout en restant de facture classique – elle est surtout confectionnée de mille et une textures qui lui permettent d’élargir les frontières. Ou du moins, de les rendre perméables à des incursions indie, voire britpop (dans ce qu’elle avait de plus orchestrée).
Apparu en 2007 au sein de formations comme The Brunettes ou encore The Reduction Agents, James Milne a aussi accompagné Feist, Okkervill River ou encore Connan Mockasin, avant de se faire connaître sous le nom de Lawrence Arabia. Sous ce patronyme, il a sorti quatre albums. Et ce Lawrence Arabia’s Singles Club est le cinquième de la série. Mélodies pop de hautes volées, arrangements d’une classe folle, joli casting… Voilà un disque qui porte bien son nom, tant chacune de ces douze chansons pourrait justement faire office de « singles ».

D’ailleurs, c’est comme ça que le disque a été conçu. Comme une compilation rassemblant le fruit de douze mois de travail. En effet, durant un an, James Milne a composé un titre par mois, qu’il se devait de livrer à tous ceux qui avaient bien voulu contribuer à son projet lancé sur Kickstarter. Le tout, sur la base de trente esquisses de chansons tracées à partir de 2016 (après la sortie d’Absolute Truth), et avec cet objectif d’en faire « douze splendides singles ». Un travail – deadline mensuelle oblige – mené dans une urgence qui a permis à James Milne de faire ressortir le meilleur de Lawrence Arabia.
L’entrée en matière qu’est Solitary Guys est à tomber par terre et rappelle l’habileté déconcertante qu’à James Milne pour tailler et habiller la chanson pop parfaite. Tout en falsetto. C’est lumineux, ça laisse rêveur, et le pire c’est que le miracle se reproduit sur One Unique Creature, Everybody Wants Something et surtout sur Everything’s Minimal. Lawrence Arabia y dépeint les couples Instagram qui montrent tout et qui – finalement – trompent tout le monde à commencer par eux-mêmes (« And now we lie, lie, lie »). Pour ça, il est accompagné par Hollie Fulbrook (Tiny Ruins) et tous deux forment une romance qui déchante à merveille.
Tant que nous y sommes, évoquons aussi l’autre invité de marque du Singles Club de Lawrence Arabia. On le retrouve en fin de parcours, le temps d’un Just Sleep (Your Shame Will Keep), et il s’agit ni plus ni moins que de Van Dyke Parks, l’arrangeur préféré de Brian – Beach Boys – Wilson. Tout cela, en sachant que Lawrence Arabia est ici épaulé par tous ceux qui ont jalonné son parcours. C’est le cas de l’homme au masque blanc Jonathan Bree, ou encore de Liam Finn.
Ailleurs, Grandaddy fait de la twee-pop (A Little Hate), la britpop classieuse se voit ressuscitée (Oppositional Democracy), Syd Barrett pastiché (Cecily) et La Femme d’Argent de Air rappelée à nos souvenirs adolescents (cette basse ronde 70’s que l’on retrouve régulièrement ici et là). Dit comme ça, on pourrait croire que ça part dans tous les sens, mais pas du tout. Tout est cohérent, sans emphase et mené avec une ironie propre à tout bon « faiseur » de chamber pop. Dans le texte, on pense notamment à Neil Hannon et à sa Divine Comedy. C’est toujours juste, drôle, et cela faisait bien longtemps qu’un disque de ce genre n’avait été aussi – disons… – brillant.
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Tracklist
1. Solitary Guys
2. Everything’s Minimal
3. One Unique Creature
4. A Little Hate
5. Everybody Wants Something
6. Cecily
7. Meaningless Words
8. People Are Alright
9. A Walk Into The Suburbs
10. (Contagious Dream Heals The World)
11. Oppositional Democracy
12. Just Sleep (Your Shame Will Keep)
Discographie
Lawrence Arabia (2006)
Chant Darling (2010)
The Sparrow (2012)
Absolute Truth (2016)
Lawrence Arabia’s Singles Club (2019)