Il y a 20 ans… The Beta Band Album

Regal Recordings / Astralwerks Records

Il y a 20 ans, Steve Mason n’aurait pas certainement pas pu être l’auteur d’About The The Light paru il y a quelques semaines. L’écrire à l’affirmatif ne serait pas très honnête, parce que nous n’étions pas à ses côtés pour l’accompagner dans la grisaille d’Edimbourg. Mais si l’on en croit les archives de l’époque, le commandant en chef du Beta Band était alors un personnage instable, un peu dépressif sur les bords et accro à toutes sortes de substances. Avec cette tendance totalitaire à ne pas la jouer hyper collectif avec ses petits camarades, ses petites colères le poussant même régulièrement à faire valser les guitares folk et les samplers au travers de la pièce. Son côté punk des débuts. Peut-être. Jusqu’au-boutiste. Sûrement.

The Beta Band Album
The Beta Band. DR

Pourtant, en 1999, tout allait plutôt bien pour les Écossais. Steve Mason, Robin Jones, Richard Greentree et John MacLean venaient de bricoler les sacro-saints Three EP’s qui allaient leur permettre de décrocher le statut de Next Big Thing. Et John Cusack – disquaire improvisé le temps d’un High Fidelity (Stephen Frears, 2000) – allait « now sell five copies of The Three EP’s by The Beta Band » en faisant hurler Dry The Rain dans la boutique. Le culte voué au Beta Band n’attendait plus que son autel. Et alors qu’on en était au stade des fondations, Steve Mason est venu tout piétiner.

 

L’histoire du premier véritable album de The Beta Band est avant tout celle d’un sabotage en règle. Au moment de sa sortie au début de l’été 99, Steve Mason – expert en autodestruction – ne trouve rien de mieux à dire que The Beta Band vient d’enregistrer « son pire disque » et qu’il s’agira sans doute du  « pire album de l’année ». Avec des chansons – on cite – « fucking awful », « faites de bric et de broc, sans véritable inspiration ». Quelques semaines auparavant, le magazine Spin avait écrit qu’il s’agissait du premier album « le plus attendu » depuis le Definitely Maybe d’Oasis. Mais Steve Mason vient de faire son croche-pied à la « hype ». Le mal est fait, et tout s’écroule.

Derrière tout ça, se cache surtout un conflit avec le label Regal, filiale de Parlophone. Il faut dire que les Écossais avaient de l’ambition : ils voulaient faire de ce disque un double-album et partir aux quatre coins du monde pour l’enregistrer. Mais pour cela, il faut de l’argent. Et à force de le dépenser dans l’achat d’instruments et de matériel en tout genre, The Beta Band n’en a déjà plus. Au final, ils n’auront même pas de quoi se payer un studio et iront enregistrer dans la hutte du grand-père de John MacLean. Ça se passe quelque part au Nord-Ouest de l’Ecosse. Là où plane déjà un sentiment de défaite. Plus tard, Steve Mason dira que son groupe n’a pas eu le soutien escompté de la part du label et que le disque est sorti dans la précipitation. The Beta Band, plongé dans les acides, n’a pas les épaules assez solides et le groupe est déjà au bord de l’implosion. À tel point que Steve Mason décidera plus tard de prendre un peu le large pour se lancer dans le (King) biscuit.

Est-ce pour autant le naufrage annoncé ? La réponse est « non ». Définitivement. Alors d’accord, ce disque est un grand n’importe quoi. Ça part dans tous les sens pendant plus d’une heure : fanfare totalement ivre, hip-hop, rockabilly, blues, pop psyché, folk, house, human beat-box… The Beta Band ne nous épargne rien. Et dit comme ça, on en aurait presque le tournis. Mais le Beta Band Album est aussi l’œuvre d’un groupe alors sans limite, rêvant de démesure.

Ici, tout est possible. Se faire passer pour des Beastie Boys en quartier libre à la campagne et utiliser un rap old-school pour raconter l’histoire du groupe, c’est possible (The Beta Band Rap). Commencer une chanson comme si on faisait décoller un vaisseau spatial pour aller mener « sa » Guerre des Etoiles, c’est possible (It’s Not Too Beautiful). Terrasser Beck sur son propre terrain tout en faisant profil bas face aux Beach Boys, c’est possible (Round The Bend, Brokenupadingdong). Devancer LCD Soundsystem, et même annoncer le Technologic des Daft Punk, tout n’est pas parfait mais là aussi c’est possible (Dance O’er The Border, Smiling).

 

 

Et c’est en cela que ce disque est très loin d’être « fucking awful ». Il est même assez fascinant de part son inventivité, son surréalisme et son courage. Alors que tout le catalogue du Beta Band vient d’être réédité, il serait peut-être bienvenu de le réhabiliter. Parce que finalement, Steve Mason and Co n’auront peut-être jamais été aussi passionnants qu’au travers de cet album futuriste, à tort considéré comme le vilain petit canard sonique de leur belle discographie.

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