Fleet Foxes – Shore

(Anti-Records)

Trois ans après le périlleux Crack-Up, Robin Pecknold et ses Fleet Foxes réussissent à parfaire une discographie exemplaire avec un quatrième album touché par la grâce et la lumière.

Les Fleet Foxes nous avait un laissés sur un ″bout du monde″ attaché à une roche sombre laissée à la merci des éléments photographiés par le Japonais Hiroshi Hamaya. Accidenté, quasi-impossible à cartographier et plus que jamais difficile à arpenter, Crack-Up nous avait déjà pris par surprise ; laissant aux rangs de merveilleux souvenirs les chevauchées automnales qui – à fort juste titre – avaient contribué à placer la meute de Robin Pecknold loin devant les autres. Ceux-ci, dans le meilleur des cas, ne pouvant faire mieux que les suivre à la trace (on pensera notamment aux valeureux Other Lives).

Avec Crack-Up, tout – chez les Fleet Foxes – était devenus plus savant, davantage parsemé de textures et d’autres fausses pistes. Rendant les parois glissantes, les prises compliquées et les éboulements beaucoup plus fréquents. Robin Pecknold prenait alors un risque, en ayant bien conscience qu’il allait entraîner avec lui des aventuriers moins aguerris et donc trop équipés. Ceux-ci ont – paraît-il – préféré rebrousser chemin. Tans pis, avec Crack-Up, Les Fleet Foxes signaient pourtant leur maître étalon, un ″road book″ plongé dans le brouillard, périlleux et inépuisable qui empruntait autant à Curtis Mayfield, qu’à Radiohead, Can ou encore à la musique éthiopienne.

Fleet Foxes
Robin Pecknold (Credit: Emily Johnston).

Que faire après un tel album ? La question ne se pose pas vraiment étant donné que Robin Pecknold est plutôt du genre à élaborer une musique à l’instinct, suivant son cheminement personnel. Après la phase introspective voire d’isolement, ne laissant que très peu de portes d’entrée, celui qui dit avoir été soumis à une sérieuse période de doutes après le diptyque ″Fleet Foxes / Helplessness Blues″   (le poussant notamment à reprendre des études) semble avoir atteint le stade de la résilience et de la sérénité. Et c’est sans pression, sans circuit promotionnel suscitant quelconque attente, que les Fleet Foxes – aujourd’hui plus que jamais guidés par Robin Pecknold – se pointent à l’orée du bois avec Shore, un quatrième album annoncé seulement une semaine avant sa sortie, fixée à l’heure de l’équinoxe automnal (il faudra attendre février pour la sortie physique).

Or, c’est bien la lumière qui jaillit de ce quatrième – et grand – disque des Fleet Foxes. Qui aura un temps soit peu réussi à apprivoiser Crack-Up, y retrouvera parfois ces lignes expérimentales et progressives. Mais cette fois-ci, celles-ci se font plus discrètes. Elles s’immiscent parfaitement dans cette volonté qu’à eu Pecknold de rendre ses chansons beaucoup plus accessibles. ″Friendly″, diront certains. Comme en témoignent les magnifiques Sunblind, Maestranza ou encore l’épique Can I Believe You. Une chaleur, un tantinet soul, et une générosité faisant peut-être de Shore l’album le plus ″pop″ des Fleet Foxes. Dans lequel on retrouve notamment un sample vocal de Brian Wilson tiré de Don’t Talk (Put Your Head on My Shoulder) (sur Cradling Mother, Cradling Woman), ou encore une célébration de héros aujourd’hui disparus comme David Berman ou Richard Swift. ″I’m gonna swim for a week in warm American Water with dear friends″, chante allègrement Pecknold en faisant bien évidemment référence à l’album culte de Silver Jews.

Plus ouvert que jamais, notamment dans sa conception (avec les participations – entre autres – de Kevin Morby et de Daniel Rossen des Grizzly Bear), Shore brille également par des moments de grâce plus intimistes. Featherweight et l’essentiel I’m Not My Season rappellent inévitablement la perfection folk des deux premiers albums des Fleet Foxes et font d’ores et déjà figure de ″highlights″ au sein d’une discographie parmi les plus exemplaires de ces quinze dernières années. Ce qui n’est pas rien. Surtout si l’on y ajoute Quiet Air / Gioia et Jara, synthèses définitives et quasi-transcendantales de tout ce qui fait l’excellence de Shore : ses harmonies vocales, ses arrangements lumineux et ses structures complexes, dissimulées sous une apparente facilité. Comparée à ses indicateurs émotionnels, la note technique de Shore est elle aussi à son maximum.

 

 

 

 

Discographie
Fleet Foxes (2008)
Helplessness Blues (2011)
Crack-Up (2017)
Shore (2020)

Fleet Foxes

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