Bill Ryder-Jones – Yawn

(Domino)

« Je ne suis pas stupide. J’ai bien conscience qu’il ne s’agit pas forcément d’une écoute agréable. Ou du moins, que ce n’est pas quelque chose que vous écouterez avant de sortir le soir (…) Mais j’avais besoin de le faire (…) Et si ce n’est pas pour vous, nous pouvons quand même rester amis, et je suis sûr que je reviendrai avec quelques chose qui vous conviendra davantage ». Quand Bill Ryder-Jones s’adresse à la population au moment de la sortie de Yawn – son quatrième album – c’est via sa page Facebook…et c’est pour s’excuser.

C’est un fait : Bill Ryder-Jones n’aura jamais été là où on aurait pu l’attendre depuis son départ de The Coral en 2008. Aujourd’hui, la pop psyché du groupe de Liverpool gravite à des années lumières de l’univers de l’homme de 35 ans – aux jeans usés et aux chemises difformes – qu’est devenu Bill Ryder-Jones. Notamment depuis 2015, et la parution d’un West Kirby County Primary ressuscitant Pavement. À l’époque, ce pas de côté outre-Atlantique était déjà considéré comme une réussite. Catharine and Huskinsson, Satellites, Wild Roses et Two To Birkenhead – entre autres – apparaissent toujours aujourd’hui comme des instants d’introspection assez intenses. Et surtout, comme de formidables chansons.

Avec Yawn, Bill Ryder-Jones enfonce le clou. D’Amérique, il en est plus que jamais question tout au long de ce quatrième album produit par ses soins. Toujours dans sa petite maison de West Kirby, un petit village posé sur les côtes anglaises à proximité de Liverpool, où vit aussi sa mère. Mais cette fois, ce sont les réminiscences de Low, de Red House Painters, voire des Pixies (There Are Worse Things I Could Do) que l’on retrouve convoquées autour de la table. Le tempo est lent. Et de cette retraite du monde en terre « slowcore », surgissent des guitares puissantes, aventureuses, voire ambiantes. Comme des flux de distorsion formant un vaste territoire, et venant soutenir le souffle fragile d’un Bill Ryder-Jones qui se veut plus introspectif que jamais.

Car Bill Ryder-Jones n’épargne rien, ni personne, et surtout pas lui-même. Quand il ne s’agit pas de sa mère (l’irrésistible Mither dans lequel est cité et participe Michael Head des Pale Fountains), Bill Ryder-Jones évoque régulièrement son rapport à la mort. Avec ce besoin d’être rassuré. Tout le temps (No One’s Trying To Kill You). Avec des mots simples, et un geste. « Six words and one kiss »… Il ne demande pas plus, et c’est ce qui fait toute la beauté d’un titre comme Don’t Be Scared I Love You. Dans ce disque, les doutes et les angoisses sont partout, omniprésents. Les chansons « heureuses », ce n’est pas pour lui, et il le sait (Happy Song). Quant aux sentiments de défaite ou de résilience, ils sont aussi prédominants ici et là (Recover, le titre le plus folk de l’album ; ou John, là où Ryder-Jones réalise qu’un ami à lui n’a plus besoin de lui pour avancer).

L’enfant que l’on voit sur la pochette du disque n’est autre que Bill Ryder-Jones lui-même. Derrière la grimace de ce gamin d’à peine dix ans, se cache aujourd’hui un être ultra-sensible, entier qui vient tout simplement de livrer un album magnifique. Sans doute son meilleur à ce jour. Dès lors, est-il nécessaire de s’excuser pour cela ?

Tracklist
There’s Something On Your Mind
Time Will Be The Only Savior
Recover
Mither
And Then There’s You
There Are Worse Things I Could Do
Don’t Be Scared, I Love You
John
No One’s Trying To Kill You
Happy Song

Discographie
Yawn (2018)
West Kirby County Primary (2015)
A Bad Wind Blows In My Heart (2013)
If… (2011)

billryderjonesmusic.bandcamp.com

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